La conclusion d’actes litigieux pendant la période suspecte

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Les actes conclus pendant la période suspecte précédant un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire sont susceptibles de poser problème.
Il convient de consulter un avocat expérimenté en droit des procédures collectives. Cela est judicieux avant la conclusion d’un tel acte sous peine de nullité.

La période suspecte

Un débiteur en difficulté est souvent enclin à conclure des actes audacieux pendant la période suspecte. Le but étant d’éviter les procédures collectives. Le dirigeant conclut ces actes en connaissance de l’état de cessation des paiement de la société.

A titre d’exemple, le dirigeant pourrait être tenté de régulariser un protocole d’accord transactionnel avec un créancier. Ce créancier est lui-même en litige avec la société. Le seul but ici est de retarder le dépôt de bilan.
Il convient d’interroger un juriste pour connaître la validité juridique d’un tel protocole (settlement agreement). Cela est d’autant plus important lorsque sa conclusion intervient pendant la période dite suspecte.
En effet, le fait que le débiteur connaisse l’importance de ses difficultés financières remet en cause la sécurité juridique de l’acte.

La déclaration de cessation des paiements

Tout d’abord la loi exige que le dirigeant dépose la DCP dans les 45 jours de la survenance de l’état de cessation des paiements.

Cet état est celui dans lequel la société ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

A défaut de déposer une DCP dans le délai de 45 jours, le dirigeant peut engager sa responsabilité personnelle.

Ceci étant rappelé, lorsqu’une procédure collective est ouverte, le tribunal fixe la date de cessation des paiements.

Il convient de préciser que le tribunal peut fixer la date de cessation des paiements à une date allant jusqu’à 18 mois avant le jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

La remise en cause d’actes suspects

La période entre le jugement d’ouverture et cette date de cessation des paiements s’appelle « période suspecte ». Elle peut donc couvrir une période de 18 mois avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.

La loi considère que les actes que le débiteur accomplit pendant la « période suspecte» peuvent faire l’objet de nullité. Cela veut dire le juge pourraient annuler les actes « suspects » postérieurement à la date de cessation des paiements.

Le législateur part du principe que le dirigeant qui connait les difficultés de son entreprise pourrait être tenté d’effectuer certains actes critiquables. C’est notamment le cas soit pour :

  • signer un protocole transactionnel avec un créancier,
  • favoriser ce créancier au détriment des autres créanciers,
  • maintenir artificiellement en activité son entreprise.

Dans tous ces deux cas, le tribunal pourrait annuler cet acte critiquable.

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Nous partons donc du principe, pour les besoins de la cause, que le débiteur a connaissance de son état de cessation des paiements. Nous sommes donc en période dite « suspecte ». Il convient d’examiner si le protocole d’accord pourrait être « suspect ».

Tout d’abord, que la société fasse l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne change rien.
Dans les deux cas il y aura toujours une « période suspecte ». Une période qui court entre le jugement d’ouverture et la date de cessation des paiements et durant maximum 18 mois.

Les nullités « obligatoires » de la période suspecte

Ces nullités sanctionnent les actes sur lesquels pèse une présomption irréfragable de fraude.

Aux termes de l’article L.632-1 du code de commerce sont notamment nuls de plein droit les actes suivants :

  • Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;
  • Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie (cas où la contrepartie du débiteur est dérisoire);
  • Tout paiement, quel qu’en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement (les paiements que le débiteur effectue avant le terme de l’obligation)

En l’espèce, si le débiteur signe un protocole d’accord avec la société qui se dit créancière aux termes de laquelle le débiteur à verser une indemnité en faveur du créancier pour un montant faible par rapport au passif ou au chiffre d’affaires de la société en difficulté, on ne peut pas dire que cela rentre dans le cas des nullités obligatoires.
En effet, cet acte n’est ni à titre gratuit, ni très défavorable au débiteur, et ne correspond pas au paiement d’une dette non échue.
Il n’y a donc quasiment aucun risque que le protocole d’accord soit annulé de plein droit par un juge.

Les nullités « facultatives » de la période suspecte

Il s’agit des nullités sur lesquelles ne pèse pas de présomption irréfragable de fraude. Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de prononcer une nullité facultative.

Un pouvoir d’appréciation souveraine du juge

Aux termes de l’article L.632-2 du code de commerce sont susceptibles d’être nuls, donc à titre facultatif, s’ils sont intervenus pendant la période suspecte, notamment les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date, peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ( L. 632-2, al. 1er C. com.)

Le domaine de cette nullité est donc très vaste puisqu’il couvre :

  • d’une part tous les actes à titre onéreux et, d’autre part
  • tous les actes où il y a paiement d‘une dette échue

Cette disposition offre, en effet, la possibilité au juge d’annuler tous les actes et paiements effectués par le débiteur avec un créancier qui avait connaissance de la cessation de paiement.
La difficulté sera alors d’établir que le créancier avait connaissance, au moment de la conclusion de l’acte litigieux, de l’état de cessation des paiements du débiteur.
En l’espèce, si le débiteur en difficulté signe un protocole d’accord avec la société créancière afin de mettre fin au litige, et aux termes duquel le débiteur s’engage à verser une indemnité en faveur de la société créancière pour un montant même raisonnable, cela rentre dans le cas des nullités facultatives.

La connaissance des difficultés par le débiteur

La question que doit alors se poser le juge est de savoir si le créancier a connaissance que le débiteur en difficulté est en état de cessation des paiements.

La Cour de cassation est très stricte sur la notion de « connaissance de l’état de cessation des paiements par le créancier ».
La Cour de cassation apprécie strictement la connaissance par le créancier de la cessation des paiements et indique que cette connaissance ne se présume pas.
Le fait que le créancier soit au courant des difficultés de l’entreprise ne présume qu’elle est au courant de l’état de cessation des paiements du débiteur.

A titre d’exemple, la Cour de cassation avait déjà refusé de présumer la connaissance par le dirigeant de l’état de cessation des paiements de la société (Cass. Com. 19 novembre 2013 n°12-25.925). De la même manière, la connaissance de l’état de cessation des paiements par un huissier ne présume pas de celle de son client créancier (Cass. Com. 2 décembre 2014, n° 13-25.705).

A l’évidence, et si possible, il faudra éviter de faire mention des difficultés économiques du débiteur, ni dans le protocole ni dans les échanges officiels.

Le sort du paiement unique dans le cadre du protocole d’accord

il est question ici du cas de la nullité de l’acte litigieux pendant la période suspecte.

Si il y a annulation par un juge de l’acte litigieux que se passe t-il  ?

Le créancier devra rembourser la somme perçue et faire une déclaration de créance dans deux cas :

  • Si le paiement unique a été effectué dans le cadre du protocole, et
  • que l’acte est annulé,

La Cour de Cassation considère que cette créance a un statut de créance antérieure. Puisque son fait générateur est antérieur, sa déclaration doit se faire suivant les règles de droit commun (Cass com 20 janvier 2009 n°08-11098).

Le sort du protocole transactionnel conclu avant l’ouverture d’une procédure collective

Cette question se pose dans dans le cas suivant :

  • paiement étalé dans le temps et non intégralement exécuté avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

L’article L.622-13 I du Code de commerce évoque le défaut d’exécution du protocole d’accord par le débiteur avant l’ouverture de son redressement judiciaire. Le créancier ne peut l’invoquer pour faire échec à l’autorité de la chose jugée qui s’y attache.

Selon les dispositions de l’article L.622-13 I du Code de commerce:

 

Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif .

Donc en l’espèce, on se demande ce qui se passe lorsqu’on régularise le protocole avant l’ouverture d’une procédure collective. En outre, lorsqu’on effectue des règlements mensuels avant le dépôt de bilan. Que se passe t-il si, après le paiement de quelques échéances, la société débitrice se retrouve en redressement judiciaire ?

La question de la nullité/résiliation du protocole

La société créancière peut elle demander la nullité/résiliation du protocole? Peut-elle en outre faire une déclaration de créance pour le montant qu’elle réclamait avant la conclusion du protocole d’accord ?

La Cour de cassation considère que cela n’est pas possible. En effet, l’ouverture est survenue avant la date de paiement de la première échéance convenue.

Ainsi, le créancier ne pourra déclarer que les créances dont les échéances figurent dans le protocole.  Cela ne vaudra que pour celles qui demeurent impayées et non pas pour le montant qu’elles réclamaient initialement.

Il convient donc de consulter un avocat quand on envisage des actes litigieux pendant la période suspecte du débiteur. Cela vaut pour le créancier ou le débiteur.

Le  cabinet LLA Avocats se tient à votre disposition pour vous accompagner et faire valoir vos droits en cas de difficulté de votre entreprise.

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