La résiliation de plein droit du bail commercial en liquidation judiciaire

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Lorsqu’une entreprise est placée en liquidation judiciaire, il est fort probable que le liquidateur ne soit plus en mesure de régler les loyers.

Le bailleur peut donc être tenté de se prévaloir de la résiliation de plein droit devant le juge-commissaire.

A cet effet, le bailleur peut-il invoquer la résiliation de plein droit sans avoir préalablement eu recours à un commandement de payer comme l’exige le droit classique des baux commerciaux de l’article L145-41 du code de commerce ?

Après avoir envisagé le régime classique de la résiliation du bail commercial (I),  nous examinerons le régime spécifique de la résiliation du bail en liquidation judiciaire (II)

I. Le régime général de la résiliation du bail commercial

Le régime général du bail commercial

Les articles L.145-1 et suivants du code de commerce régissent le bail commercial.

Le bail commercial obéit également à un régime spécial notamment en matière de résiliation.

En effet, l’article L.145-41 alinéa 1 du code de commerce, relatif à la résiliation, dispose que :

 »  Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.  »

Le régime général du bail commercial préconise la délivrance d’un commandement de payer infructueux avant d’envisager la résiliation du bail.

II. Le régime de la résiliation du bail commercial en cas de liquidation judiciaire

A. la combinaison des articles L641.12 3° et L622-14 du code de commerce

Aux termes de l’article L 641-12 3° du code de commerce le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l’article L. 622-14.

Justement l’article L622-14 du code de commerce prévoit que quand le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, le bailleur ne peut agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement.

Si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration de ce délai de 3 mois, il n’y a pas lieu à résiliation.

B. L’application par les tribunaux

Dans un arrêt récent du 9 octobre 2019 (n°18-17.563), la chambre commerciale a affirmé que :

 » Attendu que lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement du premier de ces textes [ l’article L.641-12, 3° du code de commerce], d’une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d’un immeuble utilisé pour l’activité de l’entreprise, en raison d’un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l’article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail  »

  1. Faits et procédure

En l’espèce, une SCI louait ses locaux à une société commerciale.

Le tribunal de commerce a ouvert une liquidation judiciaire à son encontre.

Le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce du locataire.

Le bailleur a formé une requête devant le juge-commissaire afin de constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers dus postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire.

L’acte de cession du fonds de commerce comprenait évidemment le droit au bail, actif principal du débiteur.

Le juge-commissaire a rejeté la requête du bailleur. Le juge estimait que le bail n’avait pas été résilié et qu’il pouvait donc être cédé.

Le bailleur a formé un recours contre cette ordonnance, mais le tribunal de commerce a confirmé l’ordonnance.

L’affaire est parvenue en appel et la cour d’appel a confirmé le jugement ayant rejeté le recours contre l’ordonnance du juge-commissaire.

La cour d’appel a affirmé que le liquidateur pouvait solliciter des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire. Cela est possible tant qu’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée n’a pas constaté la résiliation.

La cour d’appel a également ajouté que le fait pour le bailleur d’opter pour la saisine du juge-commissaire, plutôt que celle du juge des référés, ne le dispense pas de la délivrance préalable du commandement visant la clause résolutoire.

2. Décision de la cour de cassation

La chambre commerciale a cassé l’arrêt de la cour d’appel en statuant en ces termes :

 » Qu’en statuant ainsi, alors que le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du code de commerce, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés  »

La cour de cassation fait donc une application littérale de la loi.

Elle reproche à la cour d’appel d’avoir créé une condition supplémentaire à l’article L.641-12, 3° du code de commerce qui lui même renvoie à l’article L622-14

C. Deux interprétations doctrinales

L’article L.641-12, 3°, qui s’applique en liquidation judiciaire, fait l »objet de deux interprétations doctrinales.

D’une part, le bailleur qui souhaite faire constater la résiliation de plein droit doit se prévaloir d’une clause résolutoire.

En effet, cette interprétation privilégie la saisine du juge-commissaire plutôt que le juge des référés. Toutefois, cette saisine ne dispense pas le bailleur de la délivrance préalable d’un commandement de payer visant la clause résolutoire.

D’autre part, il suffit de faire constater la résiliation au terme des 3 mois après le jugement d’ouverture.

Cette interprétation privilégie l’écoulement temps. En effet, à l’issue de 3 mois après l’ouverture de la liquidation judiciaire, le bailleur pourra saisir le juge-commissaire. Ce dernier pourra constater la résiliation de plein droit sans la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire.

C’est en faveur de cette deuxième interprétation que la cour de cassation a statué.

La Cour a statué en tenant compte de l’article R.641-21, al.2 du code de commerce qui vise l’article L.622-14 du même code. Ce dernier article ne fait aucune référence à la clause résolutoire.

***

En synthèse,  si le bailleur souhaite la résiliation du bail pour pouvoir le récupérer, il doit plutôt s’adresser au liquidateur. En effet, le bailleur doit adresser une lettre recommandée invoquant la résiliation pour défaut de paiement de loyer. Le liquidateur aura 3 mois pour verser le loyer. Si le loyer n’est pas versé dans ce délai, le juge commissaire pourra prononcer la clause résolutoire après saisine. Ceci permettra au bailleur de récupérer son bail.

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