Société en formation : sort des actes accomplis avant immatriculation

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Comment s’assurer que les actes accomplis pour le compte de sa société en formation soient bien repris une fois que celle-ci est immatriculée, afin de se garantir le transfert de responsabilité ?

 

Puis-je accomplir des actes pour ma future société alors  qu’elle n’est pas encore immatriculée ?

Oui. Le droit envisage tout à fait la possibilité d’accomplir des actes pour une future société. Si elle n’est pas encore immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), on l’appelle « société en formation ».

En effet, compte tenu des délais administratifs ou organisationnels parfois étendus, cela poserait problème d’empêcher les futurs associés de préparer au mieux le lancement de leur projet.

Cependant, c’est l’immatriculation au RCS qui confère à la société sa personnalité morale. Ce n’est que lorsque la société dispose de la personnalité morale qu’elle peut être responsable des actes accomplis par ses mandataires.

Autrement dit, la limitation de responsabilité des associés – c’est-à-dire la protection juridique et financière que confère la personnalité morale de la société responsable des actes accomplis pour son compte – ne peut être invoquée que si la société a été immatriculée.

Pour les sociétés qui ne sont pas encore immatriculées – soit en processus d’immatriculation soit simplement au stade de projet – le droit français permet par exception aux futurs associés d’agir pour le compte de la société en formation. Leur responsabilité personnelle sera engagée jusqu’à ce qu’elle puisse être transférée à celle de la nouvelle société.

Les articles 1843 du Code civil et L.210-6 du Code de commerce nous indiquent ainsi :

C.civ., art. 1843 :

« Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci. »

C.com., art. L.210-6 :

« Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation.

Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la sociét que les personnes ayant agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont ainsi personnellement tenues responsables des obligations nées des actes accomplis de la sorte, sauf en cas de reprise par la société après qu’elle ait été immatriculée régulièrement au RCS. »

Lorsque l’on lit cette formulation du code, on comprend que la reprise du contrat par la société nouvellement immatriculée est considérée comme une exception.  Cela signifie qu’en principe il n’y a pas de reprise du contrat pas la société nouvelle, mais que par exception, c’est possible, selon des conditions appréciées assez durement par le juge, afin d’éviter les abus que cette souplesse juridique permettrait.

Ainsi, les futurs associés engagent d’abord leur responsabilité personnelle. Et une fois la société immatriculée, la responsabilité des actes accomplis pour le compte de la société seront transférés rétroactivement à la société nouvellement dotée de personnalité morale.

 

Comment m’assurer que la responsabilité personnelle des actes accomplis devienne bien la responsabilité de la société ?

Un formalisme à respecter pour faire appliquer le régime d’exception

Compte tenu de l’appréciation sévère du juge, il convient de respecter un certain formalisme et prendre en compte un certain nombre de conditions permettant la reprise des actes par la société régulièrement immatriculée.

Ainsi, seuls peuvent être reprise les actes passés « au nom » de la société en formation, ou dans une meilleure formulation, « pour le compte » de la société en formation. Ce conseil rédactionnel est indiqué par la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 juin 2013 (n°11-27.356).

De fait, dans l’ensemble des actes que le signataire souhaite réaliser pour la future société, celui-ci devra systématiquement indiquer qu’il agit « pour le compte de la société en formation » et non à des fins personnelles, en renseignant le plus d’informations possibles permettant d’identifier la future société (dénomination sociale et futur siège social par exemple).

Cependant, ces informations peuvent parfois ne pas suffire, tant il est essentiel que le contractant soit en mesure de déterminer son cocontractant final. Dès lors que le doute est permis, la responsabilité ne pourra être transférée à la société nouvellement formée.

 

« Substitution » ne signifie pas nécessairement « pour le compte de »

Il faudra donc garder à l’esprit qu’au sein d’un contrat, le terme « substitution » ne signifie pas nécessairement « pour le compte de ». Les termes doivent être très précis, et l’intention des parties particulièrement claire.

Quelques exemples où la reprise de l’acte par la société constituée n’est pas acceptée par le juge :

  • La mention d’une potentielle « substitution » d’une personne morale au contractant, sans stipulation au sein du contrat ni de la mention « pour le compte de la société », ni indication de la dénomination sociale ou d’une information suffisamment précise permettant de déterminer la future société cocontractante. (CA Lyon, 27 nov. 1998).
  • Dans le même esprit, les fondateurs d’une SARL indiquant « avec la faculté de leur substituer la SARL X en formation » ne permet pas au contractant de s’assurer de l’identité de ses cocontractants, la reprise de l’acte est donc inopérante. (Cass. com., 15 mai 2012, n°11-16.069).
  • De la même manière, ce n’est pas parce que la société X en formation se substituera à un contrat que l’accord négocié dépendant de ce contrat, qu’on appelle aussi contrat accessoire, est automatiquement pour le compte de ladite société en formation ; il faut que cela soit mentionné. (Cass. com., 21 mars 2019, n°15-29.377 F-D).

De plus, l’acte n’est repris par la société nouvellement formée que si un certain nombre de formalités administratives ont été régulièrement réalisées, selon les types d’actes. Celles-ci sont énoncées aux articles 6 du décret du 3 juillet 1976 et R.210-5 du Code de commerce. En particulier, il faudra veiller à annexer l’acte repris aux statuts de la société.

On ajoutera que la jurisprudence précise que ce n’est pas parce que la nouvelle société est constituée et l’exécution de l’engagement effectivement reprise que cela vaut reprise régulière. (en ce sens, notamment Cass. com. 13 déc. 2011, n°11-10.699 F-PB)

Cela étant, les parties peuvent toujours s’accorder pour que l’acte soit effectivement repris. Dès lors, une société se satisfaisant de la reprise de l’acte et ayant donné son accord de fait, puis le dénonçant compte tenu d’une situation difficile ne saurait frapper la reprise de nullité, ce malgré le défaut de formalités initiales. (en ce sens, notamment Cass. com. 15 janv. 2020, n°17-28.127 F-D).

 

Actualité juridique

Récemment, la Cour d’appel de Paris a justement sévèrement sanctionné un franchisé qui pensait pouvoir rompre le contrat qui le liait à son franchiseur, en engageant la seule responsabilité de sa société.

Ce contrat avait été signé durant la formation de la société, et les formalités n’avaient pas été respectées.

La Cour d’appel de Paris a donc considéré que c’est en réalité la responsabilité personnelle du gérant de la société franchisée qui a été engagée. Ce, malgré la vie relativement longue du contrat de franchise. (CA Paris, 1 sept. 2021, n°18/27095, SARL Comme Ulysse c./ S. ; BRDA 21/21 n°7).

On peut considérer cette décision comme dure à l’égard du franchisé, mais c’est tout à fait dans la logique jurisprudentielle actuelle, qui veille à ce que le régime d’exception de reprise des contrats par la société nouvellement soit strictement respecté dans son formalisme, à peine de nullité.

Le passage qui nous intéresse dans cette décision de la Cour d’appel de paris se trouve ci-dessous :

« (…) la Cour constate que rien n’indique dans le contrat de franchise litigieux conclu le 3 février 2016 que M. S. a agi au nom d’une société en formation.

Au contraire, l’acte indique qu’il a été conclu par M. S. sans mention d’aucune société en formation, de sorte que sont inapplicables les prévisions du contrat pour le cas où le franchisé serait une société en formation. Dès lors il est indifférent que les statuts de la société Otonomy portent le droit d’entrée de la franchise litigieuse sur l’état des actes accomplis au nom de la société en formation avant la signature de ces statuts.

À aucun moment n’est rapportée la preuve que le franchiseur a admis que le franchisé était la société Otonomy, laquelle n’est pas même mentionnée dans la lettre du 20 octobre 2016 par laquelle M. S. a demandé le remboursement des sommes versées en exécution du contrat ainsi que des dommages-intérêts. Ni le courriel du 6 juin 2016 invoqué par M. S. mais qu’il a lui-même établi pour évoquer la « création d’entreprise » en cours ni, dans un courriel du 18 mars 2016 du franchiseur, la référence à la création d’une société pour l’intégration au réseau, ne peuvent être interprétés en faveur de la qualité de franchisée de la société Otonomy.

En particulier, ce dernier courriel indique la nécessité pour M. S. d’inclure un K-bis à l’envoi du « pack commercial définitif », ce qu’il ne justifie pas avoir fait. »

 

Afin d’éviter d’engager votre responsabilité personnelle, et donc votre patrimoine personnel, il conviendra donc d’être particulièrement vigilant sur les conditions et les formalités permettant la reprise des actes passés pour le compte de votre future société. Il est vivement recommandé d’être conseillé par des professionnels sur ces démarches.

 

LLA Avocats se tient à votre disposition pour tout accompagnement et/ou litige quant à la vie de votre société avant et après sa formation.

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