Procédure collective : Incompétence du juge commissaire

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juge commissaire

Dès l’ouverture d’une procédure collective, redressement ou liquidation judiciaire, les créanciers déclarent leurs créances au passif. Si le débiteur conteste une créance, le juge-commissaire est chargé d’entendre à la fois le créancier et le débiteur afin de statuer sur la validité de ladite créance. Cependant, l’article R624-5 du Code de commerce limite les pouvoirs du juge-commissaire.

Disposition du Code de Commerce

L’article R624-5 du Code de commerce dispose que :

« Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l’existence d’une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente […] ».

Dans les cas d’incompétence ou de contestation sérieuse, le juge-commissaire renvoie les parties devant le juge du fond.

Contestation de créance et pouvoir du juge du fond

Lorsqu’une créance est contestée, le juge-commissaire dispose de plusieurs options en plus de rejeter ou d’admettre la créance :

  • Décision de constat d’une contestation sérieuse (article R624-5 Code de commerce)
  • Décision d’incompétence (article R624-5 Code de commerce)

Ainsi, lorsqu’il rend une telle décision, le créancier a trois choix :

  • Ne rien faire, ce qui entraînera le rejet sa créance
  • Faire appel de la décision juge-commissaire dans le délai de 10 jours suivant la notification de la décision qui lui est adressée (article R 661-3 du code de commerce)
  • Saisir le juge du fond dans les 30 jours à compter de la notification de la décision qui lui est faite.

Le régime applicable aux décisions d’incompétence ou de constatation d’une contestation sérieuse n’est a priori pas différent. En plus de ces règles légales, la jurisprudence a introduit la notion de « dépassement des pouvoirs du juge-commissaire ».

L’incompétence et la contestation sérieuse

La conséquence initiale de l’incompétence, similaire au droit commun, est le dessaisissement du juge-commissaire, qui est « définitivement dessaisi de la demande de fixation au passif » (Cass, com, 17 octobre 2018, n°17-17773).

Le juge invite les parties à engager une nouvelle procédure devant la juridiction compétente. Cette décision a force de chose jugée.

Dans le cas d’une contestation sérieuse, le régime de la décision du juge est identique à celui de l’incompétence. Dans les deux cas, le juge « renvoie les parties à mieux se pourvoir ».

Il convient de se référer à l’article L624-2 du Code de commerce, qui précise qu’en cas de contestation sérieuse, le juge est incompétent, et vice versa.

Il paraît donc que les effets de ces décisions se rejoignent : le juge est dessaisi et renvoie les parties devant une juridiction plus compétente.

Évolution de la jurisprudence pour tempérer la portée du dessaisissement du juge commissaire

Décision de la Cour de cassation, 9 juin 2022, n°20-22.650 :

« […] le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l’admission ou du rejet des créances déclarées et qu’après une décision d’incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l’examen de cette contestation. »

On tire de cette formule deux conséquences :

  • Le juge du fond ne peut étendre sa compétence en examinant des demandes sur lesquelles le juge commissaire ne s’est pas déclaré incompétent.

Le juge du fond est strictement lié par le champ d’incompétence du juge commissaire qui constitue « l’objet même de la saisine ». En l’espèce, le juge du fond n’avait pas le pouvoir pour apprécier une demande qui n’était pas « indivisible » de la demande objet de la contestation.

  • Le juge du fond statue sur la contestation, mais ne peut pas se prononcer sur l’admission ou le rejet de la créance au passif.

Lorsque se présente devant le juge-commissaire une contestation sérieuse, le magistrat renvoie les parties à mieux se pourvoir et sursoit à statuer dans l’attente de la décision du juge « compétent ». Ce dernier doit alors statuer sur la contestation, mais ne peut pas se prononcer sur l’admission ou le rejet de la créance au passif.

La compétence du juge-commissaire est exclusive : ce dernier reste compétent, une fois la contestation tranchée au fond, pour statuer sur la créance déclarée, en l’admettant ou en la rejetant (Cour de cassation, civ, 11 mars 2020, n°18-23.586).

Le dépassement des pouvoirs juridictionnels

Cour de cassation, 24 mars 2009, n°07-21567 (voir aussi Cass, 27/09/2017, n°16-16414) :

« Attendu qu’en se prononçant ainsi, alors que la contestation relative à l’exécution prétendument défectueuse d’un contrat ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, statuant dans la procédure de vérification des créances, et que le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire constitue une fin de non-recevoir, et non une exception d’incompétence, qu’elle était tenue de relever d’office, la cour d’appel, qui devait surseoir à statuer sur l’admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent, a violé les textes susvisés »

Au côté de l’incompétence, la jurisprudence a artificiellement créé la notion de « dépassement de pouvoirs juridictionnels », qui est difficile à distinguer de l’incompétence en ce qui concerne son domaine, bien que son régime soit très différent.

D’un point de vue procédural, le dépassement de pouvoirs constitue une fin de non-recevoir qui affecte la recevabilité de la demande.

Le régime en découlant est tout autre : le juge-commissaire qui n’a pas de pouvoirs juridictionnels doit sursoir à statuer tant que la décision du juge compétent n’est pas connue (Cass, com, 27/09/2016). Cette solution n’est pas applicable dans le cas d’une « véritable » décision d’incompétence.

Le juge-commissaire ne dépasse pas ses pouvoirs pour statuer sur la créance dès lors que « l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat ne constituent pas l’objet du litige » (Cass Com 16 sept. 2008, n° 07-15982).

Le rôle du juge-commissaire se limite à vérifier si la créance est évidente ou inexistante. Si un contrat est invalidé en substance, le juge-commissaire écarte la créance en conséquence.

Il en reste que cette notion critiquée se distingue peu de l’incompétence et n’est pas très instructive.

Nos avocats (LLA Avocats) sont à votre disposition pour toute question liée à une procédure collective.

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