La mise en cause des anciens dirigeants par le dirigeant poursuivi en cas d’insuffisance d’actif

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Lorsque la responsabilité du dirigeant de droit est engagée pour insuffisance d’actif (anciennement action en comblement de passif), généralement par le liquidateur, le dirigeant concerné peut envisager plusieurs stratégies de défense.

Il peut tout notamment contester, au fond, les griefs qui lui sont reprochés.

A ce titre, il peut invoquer le fait que les griefs qui lui sont reprochés auraient été commis par l’ancien dirigeant de droit.

Dans ce cas là,  si le dernier dirigeant de la société liquidée est le seul attrait devant le tribunal de commerce en sanction, ce dernier peut être tenté de solliciter la mise en cause de cet ancien dirigeant de la société, celui qu’il estimerait responsable des griefs qui lui sont reprochés.

Cependant, les procédures collectives étant une matière très spécifique avec ses propres mécanismes procéduraux, il peut légitimement se poser la question de la possibilité pour le dernier dirigeant attrait en justice de mettre en cause l’ancien dirigeant par la voie de l’assignation en intervention forcée.

Concrètement, cela revient à déterminer si un dirigeant a le pouvoir d’agir en action en insuffisance d’actif contre un tiers, fût-ce t’il l’ancien dirigeant?

Après avoir présenté la procédure en intervention forcée d’un tiers au litige (I), nous envisagerons son application en cas de responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif (II).

I. L’intervention forcée

Les articles 331 à 338 du code de procédure civile régissent l’intervention forcée, encore appelée mise en cause ou appel en cause.

A. La finalité de la mise en cause

L’intervention forcée a pour but la condamnation d’un tiers. La finalité peut aussi de faire en sorte que le tiers puisse garantir les condamnations prononcées à son encontre. La mise en cause peut aussi être sollicitée afin que le jugement soit déclaré commun au tiers appelé en cause.

Cela permet de bloquer, envers le tiers, l’exception tirée de l’autorité de la chose jugée. Il en est de même pour l’exercice d’une action en tierce opposition contre le jugement à venir. L’intervention forcée ne fait pas pour autant de la décision rendue un titre exécutoire à l’encontre du tiers appelé.

La mise en cause se fait par la délivrance d’une assignation devant satisfaire aux exigences de l’article 56 du code de procédure civile.

Le demandeur initial devra obtenir une seconde ordonnance lui autorisant de faire citer le tiers à comparaître à la même date. (Cour d’appel de Grenoble, 20 nov. 2000).

Cette intervention n’est pas seulement sollicitée pour condamner le tiers à la place du dirigeant.

B. L’intervention forcée aux fins de garantie

L’article 334 du code de procédure civile distingue la garantie simple de la garantie formelle.

Cette distinction dépend du fait que le demandeur en garantie soit lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.

Le demandeur en garantie simple demeure partie principale alors que l’intervenant se substitue au garanti.

Avec ce mécanisme, le dirigeant assigné en comblement de passif peut être tenté d’appeler en cause un ancien dirigeant.

La cour de cassation a eu à statuer sur l’applicabilité de ce mécanisme procédural aux procédures collectives.

II. L’intervention forcée en cas d’insuffisance d’actif

Selon l’article L. 651-3 du code de commerce , seuls le liquidateur ou le ministère public peuvent saisir le tribunal d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Cette question du droit d’agir en intervention forcée d’un dirigeant par un autre dirigeant a justement été tranchée par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt récent du 12 juin 2019 (n° 17-23.176).

En l’espèce, le gérant d’une société en liquidation judiciaire est poursuivi par le liquidateur en comblement de passif.

Ce dirigeant a demandé, sur le fondement de l’article 331 du code de procédure civile, l’intervention forcée du gérant l’ayant précédé afin que ce dernier soit, à titre principal, entièrement reconnu responsable de l’insuffisance, et qu’il soit, subsidiairement, tenu de garantir toute condamnation prononcée contre lui.

Devant la Cour d’appel, la mise en cause d’un tiers par un dirigeant au titre de l’action en insuffisance d’actif avait été déclarée irrecevable au motif que seuls le liquidateur et le procureur pouvaient agir contre un dirigeant au titre de cette action prévue à l’article L.651-3 du code de commerce.

Dans cette affaire, le gérant déclaré irrecevable avait alors soutenu que cette interdiction d’agir contre un autre dirigeant constituait une atteinte disproportionnée à son droit d’accès à un juge, et ce en vertu de l’article 6§1 de la CEDH.

La cour de cassation, qui a rejeté le pourvoi du gérant, a affirmé que :  » l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif diffère d’une action en responsabilité de droit commun en ce que le juge a la faculté, même après avoir retenu l’existence d’une faute de gestion commise par un dirigeant, de ne pas prononcer de condamnation ou de moduler le montant de la condamnation indépendamment du préjudice subi par les créanciers de la société en liquidation judiciaire, ce qui garantit une prise en compte proportionnée des circonstances de chaque espèce « .

Ainsi, la limitation à certaines personnes du droit d’agir en comblement de passif a un but légitime et l’interdiction, pour le dirigeant poursuivi , d’appeler l’ancien dirigeant devant le tribunal ne constitue pas une atteinte disproportionnée à son droit d’accès à un juge.

Il n’en demeure pas moins que le dirigeant peut toujours invoquer en défense que les fautes ne peuvent pas lui être reprochées personnellement car imputables à l’ancien dirigeant.

Le tribunal sera obligé de prendre en compte cet élément sans qu’il soit besoin d’agir en intervention forcée.

Le cabinet LLA Avocats se tient à votre disposition pour plus d’informations et toute action en défense des gérants ou président d’entreprise.

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