Locataire commercial : préemption et entreprise en difficulté

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Droit de préemption du locataire commercial

Droit de préemption du locataire commercial : Cet article répond à toutes les questions relatives au mécanisme de préemption dont dispose un locataire lorsque le propriétaire d’un local commercial qu’il loue décide de le vendre. Nous aborderons également la situation du local commercial faisant l’objet d’une saisie ainsi que celle du propriétaire en liquidation judiciaire.

Comment fonctionne le droit de préemption du locataire commercial ?

En général, lorsqu’un propriétaire souhaite vendre un local commercial loué, le locataire bénéficie d’un droit de préemption.

Ce droit s’applique même si l’entreprise du locataire rencontre des difficultés, à condition qu’elle ne soit pas en cours de liquidation. Ainsi, la présence d’un avocat en droit des entreprises en difficulté peut jouer un rôle crucial dans la prise de décision du locataire quant à l’exercice de son droit de préemption. Le droit de préemption est également connu sous le nom de « droit de préférence ».

En d’autres termes, si le propriétaire souhaite vendre le local, le locataire commercial actuel a la priorité pour être informé de la vente et pour l’acquérir avant toute autre personne.

C’est en 2014 à la suite de la loi « Pinel » que ce droit de préemption au bénéfice du locataire a été ajouté au Code de commerce, précisément à son article L.145-46-1 :

« Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d’acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. »

C’est particulièrement l’alinéa 1 qui définit le champ d’application, les autres alinéas sont des précisions.

Examinons ensemble les conditions qui doivent être réunies pour que le locataire commercial puisse exercer son droit de préemption en temps normal.

Les conditions pour l’exercice normal du droit de préemption du locataire commercial

1. Il faut qu’il existe un bail commercial

Cette condition peut paraître évidente, mais il arrive plus fréquemment que l’on ne le croit que la qualification de bail commercial pose problème.

Dans de nombreux contentieux, le propriétaire ou le locataire – dépendant des intérêts des parties se confrontant – tente de dénoncer la qualification de bail commercial afin de ne pas faire appliquer le droit commercial, au profit du droit civil basique ou même du droit de la consommation.

La jurisprudence prend particulièrement en compte l’intention des parties lors de la signature du contrat.

Attention donc à bien vérifier qu’il est possible de prouver que c’est un bail commercial, car un bon avocat s’empressera de tenter de qualifier le contrat autrement.

2. Le droit de préemption ne peut pas jouer dans le cas d’une des exceptions prévues à l’article L.145-46-1

L’article L.145-46-1 dans son dernier alinéa dispose que le droit de préférence du locataire commercial n’est pas applicable dans les cas suivants :

  • Cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial
  • Cession unique de locaux commerciaux distincts
  • Cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial
  • Cession globale d’un immeuble qui comprend des locaux commerciaux
  • Cession d’un local au conjoint du propriétaire ou à une personne de sa famille (ascendant ou descendant)

En cas de cession globale d’un immeuble ne comprenant qu’un seul local commercial, le droit de préemption n’est pas applicable (Cass., Civ. 3e, 17 mai 2018, n° 17-16.113).

3. Le propriétaire est obligé de notifier de son intention de vendre avec des mentions précises

Le propriétaire doit obligatoirement informer le locataire commercial de son projet de vente du bien en le notifiant par remise en main propre contre signature ou par lettre recommandée avec accusé de réception.
Cette notification doit obligatoirement comporter le prix du projet de vente et ses conditions, ainsi que l’ensemble des quatre premiers alinéas de l’article L.145-46-1 précité.

Si ces conditions ne sont pas respectées, et que les mentions ne sont pas indiquées sur la notification, la notification est nulle, et le propriétaire n’aura pas respecté son obligation. Il est alors possible d’engager la responsabilité du propriétaire s’il n’a pas été vigilant sur ces points, voire d’annuler la vente du bien.

4. Refus ou acceptation de l’offre de vente

Si la notification est régulière, elle est considérée comme une offre de vente, et le locataire dispose d’un délai d’un mois après l’avoir reçue pour l’accepter ou non. Si le locataire ne répond pas, l’offre est considérée comme rejetée. Il est conseillé au locataire de notifier de son acceptation par lettre recommandée avec accusé de réception, même si ce n’est pas obligatoire.
Précision : l’acceptation n’est pas valable une fois les délais expirés ou l’offre refusée, sauf si le propriétaire en décide autrement.

Il est essentiel de noter que si le propriétaire décide de vendre le bien à un acheteur autre que le locataire, en proposant un prix ou des conditions plus favorables, le propriétaire est tenu de notifier à nouveau le locataire de ces nouveaux éléments. Sans cette nouvelle notification, la vente est considérée comme nulle. Dans ce cas, le locataire a un délai supplémentaire d’un mois pour décider s’il accepte ou refuse l’offre.

Dans tous les cas, si le locataire commercial accepte l’offre, celui-ci dispose d’un délai de deux mois pour que l’acte de vente soit réalisé, et si le locataire souhaite recourir à un prêt, celui-ci dispose d’un délai de quatre mois pour que la vente soit réalisée.

Le locataire commercial peut-il exercer son droit de préemption si le bien est saisi ou vendu aux enchères ?

Le problème qui se pose ici est que l’article du Code de commerce conditionne le droit de préemption du locataire à l’intention de vendre du propriétaire. Mais dans le cas d’un bien saisi qui est ensuite vendu, le propriétaire n’a aucune intention de vendre, typiquement à la suite d’une saisie-vente et d’une vente par adjudication (vente aux enchères).

Le droit de préemption du locataire commercial peut-il quand même s’appliquer dans ce cas ?

Cette situation est plus fréquente que l’on pense : le local commercial objet du contrat de bail peut être l’objet d’une sûreté réelle, comme une hypothèque, par exemple.

Dans cette situation, étant donné que le propriétaire n’a pas l’intention de vendre, il n’y a pas de droit de préemption possible pour le locataire commercial.

C’est ce qu’a répondu la Cour de cassation dans un arrêt du 17 mai 2018 (Cass. 3e civ. 17-5-2018 n° 17-16.113 FS-PBI).

Qu’en est-il du local commercial d’un propriétaire-bailleur en liquidation judiciaire ?

Lorsque le propriétaire-bailleur est en liquidation judiciaire, et que le local commercial est vendu aux enchères, la question ne se pose pas : pas d’intention du propriétaire, donc pas d’exercice du droit de préemption. Ce sont les mêmes circonstances que celles de l’arrêt de 2018, donc c’est cette solution qui s’applique.

Mais le juge-commissaire en charge de la liquidation judiciaire peut aussi autoriser une vente de gré à gré, c’est-à-dire une vente à un candidat qui s’est présenté au liquidateur, et qui a déposé une offre que le juge-commissaire considère comme satisfaisante.

Dans ce cas, est-ce que le droit de préemption du locataire peut s’appliquer ?

La récente décision de la Cour de cassation du 23 mars 2022 (n°20-19.174, F+B) indique que l’autorisation du juge est revêtue d’autorité judiciaire. Elle considère donc que comme il n’est, ici aussi, pas question d’intention du propriétaire, il n’y a pas de droit de préemption du locataire commercial :

« 10. La vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’une liquidation judiciaire est une vente faite d’autorité de justice. Il en résulte que les dispositions du premier de ces textes, qui concernent le cas où le propriétaire d’un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables et qu’une telle vente ne peut donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par le locataire commercial. Le recours contre une ordonnance du juge-commissaire rendue en application du second texte, qui doit être formé devant la cour d’appel en application du troisième, n’est ouvert qu’aux tiers dont les droits et obligations sont affectés par la décision. »

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