La procédure collective fait apparaître la notion de créance utile. Cette notion est surtout pertinente lorsqu’une créance naît après le jugement d’ouverture de la procédure collective. Ces créances ou contrats, jugés utiles, sont ceux qui permettent la continuation des activités de l’entreprise malgré la procédure collective. Parmi ces contrats se trouve tout ce qui concerne le contrat de bail. Ainsi, la question qui se pose est de savoir si la créance issue d’une transaction avec le bailleur permettant une cession du fonds est une créance « utile ». Vu les multiples enjeux de l’attribution du caractère utile, il est important de répondre à cette question.
Sommaire de l'article
La notion de créance utile
Le principe est que le créancier doit déclarer sa créance dans un délai de deux mois à partir de la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective au Bodacc. Ce principe n’est applicable qu’aux créanciers dont les créances sont nées antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.
En effet, les créances nées après l’ouverture de la procédure collective, doivent être déclarées “utiles” sinon, les créanciers doivent encore déclarer leurs créances dans les deux mois, à partir de leurs dates d’exigibilité.
Une créance utile est ainsi, si l’on suit cette logique, les créances utiles sont toutes des créances nées postérieurement à l’ouverture de la procédure collective. Ce sont les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou pour le maintien provisoire de l’activité.
Une créance utile est, par exemple, la contrepartie d’une prestation fournie à la société débitrice par un fournisseur pendant la procédure collective. C’est l’alinéa premier de l’article L622-17 du Code de commerce qui régit les créances utiles. Ces créances utiles peuvent revêtir plusieurs formes. Il peut s’agir d’une créance résultant d’un contrat de fourniture, d’un contrat de bail. La règle est que la créance n’alourdit pas inutilement le passif du débiteur.
Les créances utiles dans le cadre d’un bail commercial
Le bail commercial est un élément fondamental du fonds de commerce. La transaction le concernant constitue ainsi une créance utile.
Le principe général pour les baux commerciaux
Une société, disposant d’un droit au bail contenu dans un fonds de commerce, peut être confrontée à ce caractère utile. Ainsi, dans le cadre d’un bail commercial, généralement, les loyers, les indemnités d’occupation et les différentes charges locatives sont les créances jugées “utiles”.
Par sécurité, ce qui est donc recommandé, c’est de déclarer toutes les sommes autres que les loyers et indemnités d’occupation dans les deux mois de leur exigibilité. La créance concernant la remise en état des locaux peut être considérée comme utile lorsque les détériorations sont postérieures au jugement d’ouverture.
Il existe, par ailleurs, une présomption qui facilite la détermination du caractère utile de la créance. Selon cette présomption, les créances qui résultent de l’obligation faite par le bail de rendre les lieux en bon état d’entretien sont toutes des créances postérieures au jugement.
L’utilité de la créance issue d’une transaction avec le bailleur dans le cadre d’une cession de fonds
Il arrive que pour pouvoir désintéresser tous les créanciers, il est nécessaire de céder le bail, voire le fonds de commerce. La question qui se pose est de savoir si cette créance est utile. La jurisprudence a prévu plusieurs scénarios.
Par exemple, la transaction qui a pour objet d’octroyer au bailleur d’une société en liquidation judiciaire, une indemnité en vue de la continuation du bail est jugée utile. De plus, cette indemnité permet également la conservation du fonds de commerce (Cass com 23 mars 2022 n°20-22284). Dans cet arrêt, la Cour a fait une interprétation large de la notion d’utilité.
Par ailleurs, dans un autre cas, le prix de cession du bail peut être utilisé pour régler les loyers impayés au bailleur, faute de disposer de liquidités. La cession peut donc être considérée, selon la Cour de cassation, comme nécessaire à la procédure de liquidation.
L’appréciation du caractère utile de la créance
Le caractère utile de la créance doit être apprécié selon des critères précis étant donné son importance.
Les critères d’appréciation
Des difficultés peuvent survenir lors de l’appréciation du critère d’utilité. C’est le cas surtout pour les créances fiscales et sociales. Selon la Cour de cassation (Cass. com., 9 mai 2018, n°16-24.065), “l’appréciation du caractère utile d’une créance doit se faire en considération de l’utilité potentielle de l’opération et non de son utilité réelle appréciée a posteriori”.
Dans le cas d’espèce, l’administrateur a continué à régler les factures des fournisseurs du débiteur en vue de la continuation du chantier après l’ouverture du redressement judiciaire. La Cour d’appel, entérinée par la Cour de cassation, a jugé qu’il s’agissait d’une créance régulièrement née pour les besoins de la période d’observation.
Les enjeux du caractère utile de la créance
Le caractère utile de la créance est primordial pour plusieurs raisons :
- Le bénéfice d’un privilège
Selon l’article L622-17 du Code de commerce, les créances jugées “utiles” bénéficient d’un privilège de paiement lorsqu’elles ne sont pas payées à leur échéance. Le principe est qu’elles sont payées avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés.
Les exceptions au principe sont celles garanties par le privilège prévu aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du Code du travail, celles découlant des frais de justice nés régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles prévues par l’article L. 611-11 du Code de commerce.
Ce privilège confère au créancier un droit de poursuite individuelle (Cass. com., 20 juin 1989, n°87-19.594 ; Cass. com., 28 juin 2016, n°14-21.668). Ainsi, il peut aussi obtenir un titre exécutoire (Cass. com. 25-6-1996 précité ; Cass. com. 9-5-2018 n° 16-24.065 F-PB : RJDA 8-9/18 n° 657) et exercer des voies d’exécution. Ce traitement préférentiel est celui de l’article L 622-17 du Code de commerce et constitue un droit indissociable de celui d’être payé à l’échéance (Cass. com. 25-6-1996 : RJDA 1/97 n° 118).
- La nécessité d’une déclaration de la créance postérieure
Une créance qui n’est pas considérée comme “utile” doit toujours être déclarée dans les deux mois qui suivent son exigibilité. La sanction du non-respect de cette obligation est l’absence de désintéressement.
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