Le sort des immeubles insaisissables durant la procédure collective

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immeubles insaisissables

La question d’insaisissabilité d’un immeuble du débiteur contre lequel a été ouverte une procédure collective peut être soulevée. En effet, la jurisprudence regorge de décisions sur ce point (Com. 17 nov. 2021, n° 20-20.821, Cass. com. 13-4-2022 n° 20-23.165 F-B). Le liquidateur confronté à une telle situation doit connaître les règles de l’insaisissabilité afin de ne pas effectuer des actes qui pourraient le mettre dans une situation complexe devant le juge. Le fondement de l’insaisissabilité a toujours été de limiter les risques de l’exploitation encourus par les entrepreneurs individuels. La résidence de l’entrepreneur a été toujours l’immeuble protégé par l’insaisissabilité, que cette dernière ait été issue d’un acte notarié ou qu’elle ait été de plein droit.  

La possibilité d’une déclaration notariée d’insaisissabilité 

La déclaration notariée d’insaisissabilité est souvent utilisée par les entrepreneurs des sociétés individuelles où la responsabilité est indéfinie. Ainsi, en cas de procédure collective, la résidence principale, et uniquement elle, peut bénéficier d’une déclaration notariée d’insaisissabilité (DNI). 

Les effets de la déclaration notariée d’insaisissabilité : protection

La loi du 1er août 2003 (Loi Dutreil), a autorisé la déclaration d’insaisissabilité des droits de l’entrepreneur sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale. C’est l’article L526-1 du Code de Commerce qui en prévoit le régime. Cet article incorpore la Loi LME du 4 août 2008, et étend l’autorisation sur tout bien foncier bâti ou non bâti qui n’a pas été affecté à un usage professionnel. Il s’agit par exemple d’un bien indivis, d’un usufruit, d’un bien commun, …

Comme son nom l’indique, la DNI doit être souscrite par un acte rédigé par un notaire dans lequel figurent les détails sur les immeubles à protéger. En effet, les immeubles sont obligatoirement affectés à l’usage personnel de l’entrepreneur. Ils peuvent être propres à l’entrepreneur individuel ou en commun ou indivis. Une mention au RCS ou bien au registre des métiers (RM), et une publication au bureau des hypothèques sont nécessaires. 

Il faut préciser que la protection qu’offre la déclaration notariée d’insaisissabilité est uniquement pour l’avenir et ne protège pas l’entrepreneur des créanciers professionnels avec lesquels il a contracté avant la publication de cette déclaration. On peut dire aussi que la déclaration notariée d’insaisissabilité n’est pas opposable aux créanciers dont les créances sont nées avant la publication de la déclaration. Ils peuvent agir en réalisation de l’immeuble lors d’une procédure collective sans nécessité d’autorisation du juge commissaire. 

Dans le cas où la résidence principale a été vendue pour remploi, l’insaisissabilité se reporte sur le prix de cession selon l’article L526-3 du Code de Commerce. Le remploi doit se faire dans un délai d’un an, le nouvel immeuble bénéficie également de cette insaisissabilité.  

L’inefficacité de la déclaration notariée d’insaisissabilité

La DNI ne peut être valable ou opposable dans de nombreux cas. Ainsi, les créanciers doivent agir dans les délais légaux afin d’éviter la prescription. 

  • Nullités en période suspecte (de droit et facultative)

Lorsque la DNI a été effectuée durant la période suspecte, elle est nulle. En effet, l’ordonnance du 12 mars 2014 a prévu plusieurs cas de nullité de la DNI pour protéger les créanciers de l’entrepreneur qui au dernier moment pense à soustraire du gage commun un immeuble. La période suspecte est de 18 mois au maximum. 

Il est aussi pertinent d’ajouter qu’il y a une nullité qui est relative si la DNI a été publiée dans les 6 mois précédant la date de cessation des paiements (article L632-1-12 du Code de Commerce).

  • Nullité de la publication au bureau des hypothèques

La publication au bureau des hypothèques peut pareillement être frappée de nullité. En effet, le liquidateur peut, dans l’intérêt des créanciers, agir en nullité de la publication, afin de restituer le gage commun (Com.15 novembre 2016). Malgré ce pouvoir, le liquidateur ne peut pas demander le partage d’un immeuble indivis. 

  • La possibilité d’action des créanciers née avant la déclaration notariée d’insaisissabilité 

Ces créanciers peuvent agir individuellement durant la procédure collective, mais uniquement durant le délai légal afin d’éviter la prescription extinctive. (Com. 24 mars 2015).

  • Actions limitées du liquidateur

Le liquidateur ne pouvait agir que dans l’intérêt collectif des créanciers ; dès lors, il ne pouvait demander l’inopposabilité de la déclaration d’insaisissabilité dans l’intérêt des seuls créanciers postérieurs à cette déclaration, même pour cause de fraude paulienne, dès lors qu’il existait des créanciers antérieurs à la déclaration (Cour de Cassation, Chambre Commerciale, Arrêt du 23 avril 2013) ; en revanche, il pouvait en demander la nullité (article L632-4).

  • La renonciation à l’insaisissabilité 

Le débiteur peut renoncer à l’insaisissabilité (article L526-3 alinéa 4). Pour ce faire, il doit respecter les mêmes conditions de validité et d’opposabilité que la déclaration.

Les immeubles insaisissables par la loi

Il faut préciser que la déclaration notariée d’insaisissabilité n’est plus requise étant donné que la loi prévoit explicitement que la résidence principale du débiteur est insaisissable.

La loi Macron du 6 août 2015 a consacré cette insaisissabilité de plein droit. Cette insaisissabilité est uniquement opposable aux créanciers dont les créances professionnelles sont nées après la publication de ladite loi le 7 août 2015 (Cass. com. 29-5-2019 n° 18-16.097 F-D). 

Aucune formalité n’est donc requise et l’insaisissabilité est de droit quelle que soit la date de naissance de leur créance, qu’elle ait été avant ou après l’achat de la résidence principale. Les règles et les effets de cette insaisissabilité légale sont les mêmes que ceux de la déclaration notariée d’insaisissabilité. 

Il est pertinent de préciser que dans le cas où un immeuble est à usage mixte, c’est-à-dire professionnel et personnel, alors seule ce dernier est insaisissable.

Possibilité de saisie en dépit de l’insaisissabilité légale

Dans tous les deux cas précédents, l’insaisissabilité n’est pas opposable à l’administration fiscale. Elle peut saisir tous les biens d’un débiteur qui a effectué des manœuvres frauduleuses ou des infractions répétées des obligations fiscales telles prévues par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013.

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