Responsabilité des tiers envers l’associé d’une société

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Un associé d’une société ne peut engager la responsabilité d’un tiers pour obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts à son profit que s’il démontre un  préjudice personnel distinct de la société.

 

 

Qu’est-ce que l’action sociale ut singuli ?

 

L’action sociale ut singuli est le fait pour un associé d’engager seul (d’où le singuli) la personne morale de la société du fait de la faute d’un dirigeant.

 

Elle s’oppose à l’action sociale ut universi, qui est l’action sociale que les dirigeants poursuivent.

 

Dans l’intérêt de la société, le juge d’abord puis la loi a reconnu le droit aux associés de s’engager au nom de celle-ci par exception dans le cas où le dirigeant serait en situation de faute de gestion ou à l’origine d’un dommage causé à la personne morale en n’agissant pas en réparation par exemple.

 

Autrement dit, pour engager la société dans une action, l’associé doit pouvoir prouver la faute du dirigeant et/ou des organes sociaux, lui en imputer la responsabilité et agir du fait de la carence qui en est générée.

 

L’article 1843-5 du Code civil dispose ainsi :

 

« Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société.

 

Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l’exercice de l’action sociale à l’avis préalable ou à l’autorisation de l’assemblée ou qui comporterait par avance renonciation à l’exercice de cette action.

 

Aucune décision de l’assemblée des associés ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l’accomplissement de leur mandat ».

 

Il est accompagné des articles L.223-22 (notamment son alinéa 2) et L.225-252 du Code de commerce qui précisent les conditions de l’action.

 

C’est donc une action avant tout contre le gérant, une sorte de coup d’état des associés pour prendre des décisions à la place du gérant compte tenu de sa mauvaise gestion démontrée.

 

Les conditions de l’exercice de l’action sociale ut singuli sont assez simples :

 

  • Il faut être associé et conserver la qualité d’associé durant l’instance devant la justice (Cass. com. 26 janv. 1970, no 67-14.787)

 

  • Il faut démontrer que sur un point précis ou de manière générale les organes sociaux et/ou le dirigeant n’ont pas exercé d’action en réparation du préjudice causé à la société alors qu’ils auraient dû.

 

Précisons que la Cour de cassation a récemment indiqué que l’action ut singuli est recevable même dans le cas où l’associé n’indique pas expressément qu’il agit au nom de la société (Cass. crim., 29 janv. 2020, no 19-80.924).

 

 

Qu’en est-il du préjudice personnel de l’associé ?

 

L’associé peut toujours, sans engager la société dans son action, intenter une action en réparation de son préjudice personnel.

 

En effet, c’est l’article 1240 du Code civil qui le prévoit :

 

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

 

Mais cela doit être distinct du préjudice subi par la société, sans quoi l’action ne serait pas recevable (Cass. com., 8 fév. 2011, n°09-17.034).

 

Il faudra donc en pratique que l’associé prouve le préjudice personnel afin d’obtenir réparation de celui-ci contre le dirigeant fautif ou contre le tiers fautif.

 

Pour le dirigeant fautif, les actions suivantes en réparation du préjudice personnel ont notamment été acceptées par les juridictions :

 

  • Rétention, détournements de fonds appartenant à l’associé (Cass. civ., 26 nov. 1912)
  • Détournement de titres appartenant à l’associé (Cass. req., 22 juin 1936)
  • Aucun dividende n’a été distribué durant plusieurs années (CA Paris, 15 déc. 1995)
  • Augmentation de capital obtenue par des allégations mensongères (Cass. com., 9 mars 2010, no 08-21.547)
  • Diffamation par un dirigeant au sein d’une assemblée générale (CA Montpellier, 31 mars 1966)

 

Pour le tiers fautif, quelques exemples où l’instance en réparation de préjudice personnel est admise :

 

  • La mise en cause d’un commissaire ayant surévalué des apports entraînant une participation trop importante aux pertes, détachable du préjudice subi par la société (Cass. com., 28 juin 2005, no 03-13.112)
  • La mise en cause d’un banquier fautif entraînant le règlement par l’associé en qualité de caution des dettes de la société (Cass. 2e, 4 févr. 2010, no 09-12.850)

 

 

Quid du préjudice personnel difficilement distinct de celui de la société ?

 

Si le préjudice personnel ne se distingue pas suffisamment du préjudice causé à la société, notamment si la réparation du préjudice social efface le préjudice personnel, alors ce préjudice ne bénéficie pas du régime d’exception.

 

C’est sur ce point que la Cour de cassation le 4 nov. 2021 (n°19-12.342, B) a cassé un arrêt de la Cour d’appel pour ne pas avoir vérifié si le préjudice d’un actionnaire était « en tout ou partie, le corollaire du préjudice subi par la société ».

 

En effet, elle indique clairement que « la recevabilité de l’action en responsabilité engagée par un associé contre un tiers est subordonnée à l’allégation d’un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, c’est-à-dire d’un préjudice qui ne puisse être effacé par la réparation du préjudice social. Le seul fait que cet associé agisse sur le fondement de la responsabilité contractuelle ne suffit pas à établir le caractère personnel du préjudice allégué. »

 

La Cour ici, rappelle deux choses : le préjudice ne peut être personnel implicitement parce qu’il est question de responsabilité contractuelle, il doit être clairement établi. Et dès lors que l’effacement du préjudice est possible par la réparation du préjudice social, alors le préjudice n’est pas « personnel » mais bien un préjudice lié à la vie de la société.

 

Fort de son expérience dans les contentieux en droit des sociétés et droit des affaires, LLA Avocats se tient à votre disposition pour vous défendre vos intérêts.

 

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